5G : du rififi dans le poulailler

Cour d'appel de Montpellier, 2ème Chambre Civile, 3 octobre 2024, n° 23/05625

La Cour d'appel de Montpellier a rendu un arrêt intéressant le 3 octobre 2024 concernant une question pour le moins insolite : l'impact de la 5G sur la ponte des poules.

Un exploitant agricole avait constaté une baisse significative de la production d'œufs dans son élevage, coïncidant pour lui avec la mise en service d'antennes 5G à proximité. Soupçonnant un lien de cause à effet, il avait demandé et obtenu une expertise judiciaire auprès du Président du tribunal judiciaire de Perpignan, s'appuyant sur une analyse "géobiologique" qui mettait en cause les ondes électromagnétiques. Free Mobile a par conséquent fait un recours contre l'ordonnance rendue.

Pour Free Mobile, il n'y avait pas de rapport de causalité entre l'installation des antennes et la diminution de la ponte, les antennes ayant été installées après le début du phénomène décrit et n'émettant pas en direction de l'exploitation. 

Par ailleurs, pour Free Mobile l'expertise était inutile en l'état de l'ensemble des études scientifiques sérieuses qui ont été réalisées.

Une expertise judiciaire infirmée par la Cour d'Appel

La Cour d'appel a infirmé l'ordonnance ayant initialement autorisé l’expertise judiciaire. Plusieurs points ont motivé cette décision :

• La validité scientifique de la géobiologie : La Cour a souligné le caractère controversé de cette discipline, qui ne repose pas sur des bases scientifiques solides. Par ailleurs, Il n'y a pas lieu de se référer à une réglementation allemande instaurée par un institut de baubiologie dont la légitimité n'est pas reconnue mais à la réglementation française conforme à la réglementation européenne (décret n°2002-775 du 3 mai 2002).
• Des mesures d'exposition aux ondes non recevables : la mesure des valeurs limites des champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques relève de la seule compétence des organismes accrédités par le comité français d'accréditation (COFRAC) ou par un organisme d'accréditation ayant signé l'accord de reconnaissance multilatéral " essais " dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation selon l'article D1008 du Code des postes et des communications électroniques ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
• L'absence de preuves concrètes: La baisse de ponte d'œufs n'était pas étayée par des données suffisamment précises et objectives. Le journal des ventes produit par l'intéressé ne témoignait en effet que d'une baisse des ventes sur la période et non d'une baisse des pontes.
• L'utilité de l'expertise: L'exploitation agricole ayant cessé son activité, l'expertise devenait inutile pour évaluer l'impact des ondes sur la ponte poules.Cet arrêt met en lumière la difficulté d'établir un lien de causalité entre des phénomènes rapportés et la présence de stations radioélectriques.

Il est important de rappeler que les études scientifiques reconnues officiellement en France concluent à l'innocuité des installations d'antennes relais, dès lors que les valeurs limites d'exposition, telles que prévues par le décret de 2002 précité, sont respectées.

Cette jurisprudence est à rapprocher du rapport d'enquête, établi par Thomas Clément et Dominique Tremblay, sur l'impact des antennes téléphoniques, installations électriques et éoliennes sur les activités d'élevage en France. 

Le rapport recommande de renforcer la recherche interdisciplinaire, notamment en incluant des chercheurs du CNRS et du CEA, et d'explorer scientifiquement les pratiques géobiologiques. Il suggère également de créer un observatoire pour évaluer les courants parasites.

Il préconise une étude épidémiologique sur l'effet des ondes électromagnétiques et électriques sur les troupeaux, utilisant les données de la base nationale d'identification des bovins, et de mieux comprendre la conductivité des sols et les propriétés de l'eau exposée aux CEM.

Accès au rapport d'enquête