antennes relais et fausses cheminées : le Conseil d'Etat clôt le débat entre Free et la commune des Lilas
Conflit Les Lilas : le cas des antennes relais mobiles de Free Mobile
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L'installation de deux antennes relais intégrées dans des fausses cheminées par la société Free Mobile sur la commune des Lilas a suscité une bataille juridique opposant cette société à la municipalité concernant l'interprétation de certaines dispositions du PLUi. Le contentieux a débuté après que le maire ait émis un arrêté d'opposition à une demande d'autorisation d'urbanisme, amenant l'affaire devant les tribunaux administratifs pour se clore devant le Conseil d'Etat. Cet article explore les différentes étapes et enjeux de ce litige.
Un projet contesté dès le départ
Déclaration préalable et opposition municipale
En date du 7 juin 2021, Free Mobile a soumis une déclaration préalable pour l'installation d'antennes relais intégrées sous forme de fausses cheminées sur un bâtiment situé au 37 Avenue du Maréchal Juin. La maire Les Lilas a rapidement réagi en émettant un arrêté d'opposition, s'appuyant sur les règlements locaux d'urbanisme qui incluent des restrictions strictes, particulièrement concernant la hauteur maximale des constructions.
Premier jugement en défaveur de Free Mobile
Suite à cette opposition, Free Mobile a porté l'affaire devant le Tribunal Administratif de Montreuil via un recours contentieux. Par jugement du 20 octobre 2022, le tribunal a rejeté la requête de la société Free Mobile, soutenant la décision du maire. Ce jugement a été principalement motivé par les règles de hauteur et d'intégration paysagère prévues par le Plan Local d'Urbanisme Intercommunal (PLUi) Est Ensemble en vigueur.
Les arguments des parties en conflit
La position de Free Mobile
Free Mobile a fait appel de la décision du tribunal administratif de Montreuil devant la Cour Administrative d’Appel de Paris. Elle avance plusieurs arguments importants :
- Les cheminées factices ne sont pas des structures traditionnelles de cheminée mais des équipements techniques indispensables et inextricablement liés aux services publics de télécommunications. Elles doivent donc se voir appliquer la théorie dite de "l'accessoire suit le principal". En conséquence, ces installations doivent donc bénéficier de l'exception prévue par le PLUi pour les ouvrages techniques d'intérêt collectif, qui prévoit que ces équipements ne sont pas tenus par la règle de hauteur.
- L'intégration paysagère est respectée grâce au design des fausses cheminées qui se fondent harmonieusement dans le paysage urbain existant et les annexes techniques sont invisibles depuis l'espace public.
Rétorsion de la municipalité des Lilas
De son côté, la municipalité des Lilas justifie son opposition par :
- Le non-respect des règles locales relatives à la hauteur maximum des structures qui est fixée à moins de 16 mètres au-dessus du niveau du sol.
- L'inadéquation des fausses cheminées et des installations techniques avec le volume global de la construction et leur retrait insuffisant vis-à-vis du parapet, portant atteinte à l'intégration architecturale telle qu'exigée par le PLUi.
Décisions judiciaires et implications
Examen par la Cour Administrative d’Appel de Paris (Cour administrative d'appel de Paris, 1ère Chambre, 6 juillet 2023, n° 22PA05403)
La Cour Administrative d’Appel a du trancher sur la validité des arguments présentés par chacune des parties et a considéré que les fausses cheminées constituaient des ouvrages techniques liés au service public des communications électroniques, bénéficiant ainsi de la dérogation à la règle de hauteur maximale du plan local d'urbanisme. Elle a également ordonné à la commune des Lilas de délivrer une décision de non opposition aux travaux.
Examen du pourvoi de La commune des Lilas devant le Conseil d'État (Conseil d'État, 2ème Chambre Seule, 10 mai 2024, n° 487673)
La commune des Lilas a soutenu que la cour d'appel avait commis des erreurs de droit et de qualification juridique des faits en considérant notamment que les "fausses cheminées" masquant les antennes relais étaient des accessoires des antennes et a donc introduit un pourvoi en cassation.
Le Conseil d'État refuse d'admettre le pourvoi de la commune des Lilas et précise qu'aucun des moyens soulevés par la commune des Lilas n'est jugé recevable pour l'admission du pourvoi. Pour rappel pour qu'un pourvoi en cassation soit admis, il doit présenter un moyen sérieux de nature à entraîner la cassation de la décision attaquée. Cela signifie que le moyen doit être fondé sur une violation de la loi ou une erreur de droit commise par la juridiction inférieure.
La décision du Conseil d'État confirme par conséquent l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris et maintient l'injonction de ne pas s'opposer aux travaux d'implantation des antennes relais de téléphonie mobile par la société Free Mobile.
Conclusion
Le litige entre Free Mobile et la municipalité de Les Lilas n'est pas juste une simple querelle locale ; il soulève des questions majeures sur l'équilibre à trouver entre développement des infrastructures nécessaires aux réseaux de télécommunication modernes et respect des cadres réglementaires urbanistiques établis pour maintenir l'harmonie visuelle et structurelle des paysages urbains.
Ces décisions soulignent par ailleurs l'importance de faire une lecture attentive et fine des dispositions contenues dans une PLU ou PLUi pour justifier ou non un projet d'implantation. Elle rappelle à tous les négociateurs de site l'importance de connaître la réglementation et les dernières décisions des tribunaux lors de leur analyse de zone pour éviter de faire le choix d'un immeuble impropre à l'installation d'antennes relais ou au contraire pouvoir opposer des arguments sérieux face à une mairie qui serait réfractaire à une telle installation alors qu'elle n'en a pas la possibilité ni au titre de son PLU ni au titre par exemple du principe de précaution soulevé à tort.